
Joshua Singh, c’est d’abord un sourire sincère sur un bouille toute ronde et la certitude de passer un bon moment. Son entreprise (1423 World Class Spirits) s’est faite surtout connaître en France grâce à son calendrier de l’avent, morceau de bravoure chaque année, qui vient récompenser le travail de ses longues années passées à se faire des amis dans le monde du rhum. Rencontre au coin du fût et au téléphone.
Team RFP : Joshua, tu es connu des geeks de la planète rhum mais moins du grand public qui connait bien pourtant ton calendrier de l’avent. Qui es-tu Joshua, toi qui portes un nom indien et un passeport danois ?
Johua : Je suis originaire d’Inde ou plutôt mon père vient d’Inde, de Delhi précisément. Notre famille est assez aisée, issue la classe moyenne et mon père avait des envies de voir le monde. Vers ses 20 ans, il a sillonné l’Europe, s’est attardé en France, en Allemagne avant de s’installer ici au Danemark, où il monté différents business d’importations de produits indiens, dans le textile notamment. Toute la famille du côté de ma mère est originaire du Danemark, et c’est aussi là que je suis née et que j’ai grandi. Je me considère comme danois dans tous les sens du terme, avec une influence indienne et une touche caribéenne.
Team RFP : Tu as donc un background d’entrepreneur mais comment t’est venu l’amour des spiritueux ?
Johua : Pendant mes études, j’avais un groupe d’amis avec lequel on s’est pris de passion pour le single malt. Et c’est pendant la visite d’un salon du whisky à Copenhague que je suis tombé amoureux du rhum. D’abord blague de potaches imbibés, notre projet a pris une tournure sérieuse très rapidement, puisque 15 jours après ce salon, nous enregistrions une société, posions une marque (1423) et lancions notre tout premier embouteillage. 120 bouteilles vendues plus tard – à la famille, aux amis et au réseau CHR local. Nous étions lancés.
Team Rhum Fest : D’un demi-tonneau en 2009 à plusieurs collections de séries limitées (SBS, Origins…), plusieurs marques de rhum en distribution (Centenario du Costa Rica, Worthy Park) et d’autres créations (Patridom), c’est allé assez vite. Quelles sont les personnes qui ont compté pour toi dans ce parcours ?
Johua : Il y en a beaucoup car on ne peut pas prétendre travailler dans le rhum, sélectionner des cuvées sans rencontrer les producteurs et visiter les pays de production. Mais la plupart de nos rencontres se font lors de salons comme le Rhum Fest Paris. J’aimerais rendre un hommage à John Barret de Bristol Spirits. Ce gentleman, que beaucoup ont croisé sur les salons, est un avant-gardiste sous ses costumes en tweed aux coupes impeccables. Sous sa marque Bristol Spirits, devenue mythique, on trouve des Caroni, des Enmore, des Port Mourant et tout une ribambelle d’autres curiosités issues de distilleries ou d’alambics disparus comme ses Versailles (Guyana, rhum agricole). On a eu la chance que John cherche un nouveau distributeur et qu’il nous fasse confiance alors que nous commencions notre aventure.
Team Rhum Fest : Le premier d’une longue série parce qu’on n’embouteille pas des rhums issus de plus de 24 pays chaque année sans un sérieux carnet d’adresse. D’ailleurs, comment faites-vous vos sélections ?
Johua : Bien sûr, je n’ai pas le temps de visiter toutes les distilleries chaque année. J’essaie quand même de faire un à deux voyages par an pour rencontrer mes partenaires mais ils sont nombreux. Nous avons 65 fournisseurs de rhum différents que ce soit des spécialistes grossistes comme Scheer aux Pays-Bas ou plus souvent les distilleries directement. Cette année, notre calendrier fête ses 10 ans et, si chaque distillerie qui y sera présente a été goûtée plusieurs fois, on n’a pas besoin de revenir sur celles dont on connaît bien le travail. Si on choisit de placer un VO agricole de Martinique ou de Guadeloupe dans la sélection, on n’a pas besoin de se questionner sur la qualité du rhum qui nous sera fourni.
Pour les sélections d’embouteillage, on procède bien sûr par l’envoi d’échantillons et on dialogue régulièrement avec des partenaires qui sont heureux de trouver des débouchés pour leurs eaux de vie les plus audacieuses. C’est d’ailleurs le moteur de notre gamme Origins qui n’embouteille que des blancs haut-de-gamme.
Team RFP : Pour revenir au calendrier du l’avent, vous avez annoncé des chiffres de vente incroyables. C’est un carton !
Johua : Oui ça a été une grande bouffée d’air pour notre développement. Chaque année, on en vend entre 50 et 100 000 dans plus d’une dizaine de pays d’Europe. Encore des rencontres et des opportunités. En plus, c’est un formidable outil pédagogique pour s’ouvrir au monde si riche du rhum. Chaque année, et on y tient, ce sont 24 pays différents qui sont représentés dans le coffret. C’est un gros travail de coordination mais tellement gratifiant. Et ça permet de réviser sa géographie tous les ans !
Team RFP : Tu es aussi propriétaire de la marque Patridom qui est le nouveau de la polémique Esclavo que tu avais lancée auparavant et qui avait fait l’objet d’attaques sur les réseaux sociaux, pour les raisons qu’on imagine tous. Mais qu’est ce qui t’a pris de lancer une marque avec un nom pareil, tellement chargé de sens dans notre univers ?
JS : Je viens d’une petite ville, Odense, où on n’est pas vraiment baigné dans l’histoire du colonialisme. Vous pensez bien qu’en tant qu’Indien, pays sous domination britannique pendant des siècles, je suis sensible à ces questions. Je pense que c’est un malentendu. À nos débuts, nous passions beaucoup de temps sur le terrain, chez nos clients CHR ou cavistes et pour moi ce nom était une forme d’hommage à ceux à qui on doit la culture de la canne outre atlantique et le nom me permettait d’ouvrir la conversation. Le malentendu est né quand la marque a grandi, a commencé à s’exporter et que nous n’étions plus capables de transmettre notre message dans chaque magasin. À ce moment, c’était plus simple de changer le nom. Surtout que notre fournisseur est la Distillerie AF qui est une des entreprises les plus durables et équitables de République Dominicaine, ce qui est important pour nous (ndlr : la République Dominicaine est souvent montrée du doigt pour le traitement des ouvriers agricoles haïtiens qui sont une main d’œuvre désespérée et abondante).
Team RFP : Revenons alors à tes embouteillages, que présentes-tu au Rhum Fest Paris 2025 ?
Johua : Les visiteurs auront tout d’abord la chance de pouvoir découvrir et même toucher le calendrier 2025 dont la sélection est faite. Sans trahir de secrets, on saura vous donner des indices. Des fûts uniques de S.B.S seront dévoilés en exclusivité sur le marché français : S.B.S. Origins Australia, S.B.S. Origins French Antilles, S.B.S. Origins WP Cane Juice. Pour Cristobal, on débarque notamment avec une édition spéciale vieillie dans de fûts de vin rouge provenant de ce qui pourrait être le plus beau château de Bordeaux ! Sans oublier nos rhums aromatisés Compañero avec l’Elixir Orange, l’Extra Añejo et Gran Reserva.


